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8 juin 2012 5 08 /06 /juin /2012 07:01

 

De prime abord, le rapprochement  entre ces trois(quatre avec la fratrie belge) metteurs en scène ne saute pas aux yeux, bien qu'on puisse objecter quand même le thème commun de l'enfance chez Truffaut et les Dardenne. Pour Jacques Audiard, c'est surtout qu'il incarne, selon moi, la figure majeure du cinéma français actuel.

 

Truffaut

 

Dans Les quatre cents coups, Antoine Doinel face à la mer dans la scène finale, rien d'original il est vrai car elle a sûrement était évoquée des centaines de fois, l'école buissonnière, le fameux ma mère est morte, le clivage familial ,un regard sur l'adolescence d'une puissance rare ( dont le pendant féminin pourrait être le fameux La petite voleuse, dont Truffaut avait signé le scénario), la révélation fracassante Jean-Pierre Léaud, font de ce long-métrage un classique, mon préféré parmi les 11 films que j'ai  vus de François Truffaut. Ensuite, je place Jules et Jim, histoire d'un triangle amoureux tragique, d'une liberté totale, d'une si grande modernité qu'il a inspiré tant d'histoires sur le même canevas par la suite, mais sans la dimension psychologique et l'intensité de l'original. A voir et revoir également pour Jeanne Moreau. Enfin, à la troisième place, La femme d'à côté, les ravages d'une passion qui renaît, qui fait perdre la tête, quand on s'était pourtant efforcé de changer de vie, pour également le duo époustouflant Fanny Ardant-Gérard Depardieu.

 

Au rayon des déceptions, je citerai deux films. D'abord La mariée était en noir (avec Jeanne Moreau), auquel Tarantino a rendu hommage dans le diptyque Kill Bill. Histoire d'une vengeance, cinq hommes dans la ligne de mire, nous suivons donc cette quête méthodique et obstinée dont le rendu est sans saveur. Franchement, je me suis ennuyé, le personnage campé par Jeanne Moreau ne dégage rie , dans cette même trame, bien évidemment pas du même genre, j'opte davantage pour Kill Bill. Autre adaptation d'un roman noir, La sirène du Mississippi, le couple Belmondo-Deneuve était prometteur, l'univers assez trouble, mais j'ai rapidement décroché, le cinéaste n'étant pas aussi inspiré que dans Tirez sur le pianiste ou Vivement Dimanche.

 

 

 

Films préférés1- Les quatre cents coups 2- Jules et Jim 3- La femme d'à côté

 

Films décevants1- La mariée était en noir 2- La sirène du Mississipi

 

 

Les Frères Dardenne

 

Faire un billet sur eux, en ayant vu que trois de leurs huit films, peut paraître prématuré. Cependant, leurs oeuvres m'ont profondément marqué. Un cinéma social exigeant, épuré, austère parfois, quasi documentaire, qui peut rebuter. J'adhère à ces personnages révoltés, à cette étude sans complaisance du monde contemporain, à ce regard sur l'enfance chahutée, abandonnée. En premier, je mets L'enfant (Jérémie Rénier et Deborah François sont renversants), histoire sordide d'un père immature et désoeuvré à l'instinct paternel loin d'être développé (doux euphémisme), vient ensuite Le gamin au vélo qui pourrait être le prolongement du premier cité ( l'enfant a grandi et son père coupe les ponts), avec une Cécile de France tout en retenue qui s'occupe du gamin, seul phare dans la tempête, un gosse attachant qui pourrait sombrer à cause de mauvaises fréquentations, une teinte douce-amère, un chemin de croix pour Cyril. Et donc en dernier Rosetta, stupéfiante Emilie Dequenne, contexte de crise, sorti en 1999, une jeune femme est licenciée et va faire des petits boulots; s'accrocher, se rebeller et connaître beaucoup de mésaventures. Le plus éprouvant, tourné caméra à l'épaule, le plus désespéré, mais néanmoins indispensable, je n'ai donc pour l'instant aucune déception à l'égard de ces metteurs en scène.

 

 

Jacques Audiard

 

Ce qui est bien avec Jacques Audiard c'est au fil des années qu'il ne fait que progresser, ne se répète pas, et pourtant ne me lasse pas. Sur ses six créations j'en ai vu cinq. Le début, pour moi, se fait avec Un héros très discret,  où le protagoniste s'invente un passé de résistant, était un regard intéressant sur une période trouble où la notion d'identité( de résistance) était des plus ambiguë. Portrait sobre, attachant sur la condition humaine, mais j'avoue rien de grandiose non plus. Puis, avec Sur mes lèvres, relation torturée entre un ex taulard et une employée sourde à la vie sans reilief, mais qui sachant lire sur les lèvres va se trouver sous l'emprise du personnage interprété par Vincent Cassel en embarquant dans ses combines. J'aime beaucoup les qualités d'actrice d'Emmanuelle Devos mais pourtant je n'ai jamais réussi à m'identifier aux deux héros, à m'immiscer dans leur univers. C'est ma seule déception dans la filmographie d'Audiard.

 

Place aux trois longs-métrages marquants, j'irai dans l'ordre inverse de préférence. Avec De battre mon coeur s'est arrêté,  nous plongeons dans un polar pur et dur mais aussi sentimental et mélancolique, qui est un remake, Romain Duris a montré de nouvelles facettes, un côté sombre insoupçonné. La psychologie du héros est bien dessinée (ses regrets, ses pulsions destructrices, la rédemption par le musique), le style du film est alerte et lent quand il faut, violent et aussi intimiste. Ce mélange en fait sa force et le rend parfois bancal, vers la fin l'histoire part un peu dans dans tous les sens. Cela n'en reste pas moins un beau film prometteur. Essai ainsi transformé avec Un prophète, plus violent, plus austère mais plus maîtrisé, vision sans concession de l'univers carcéral (avec la part de dramaturgie et d'initiation nécessaires) et de l'ascension d'un jeune détenu,  à force de stratégie et de ruse (Tahar Rahim explose dans ce film, Audiard a vraiment le don de mettre en lumière les acteurs, de les faire découvrir ou redécouvrir au public). Et pour finir, en tête de liste, De rouille et d'os, en somme le plus abouti de sa carrière, j'évoquerai la belle prestation de Marion Cotillard et surtout la claque reçue devant l'interprétation de Matthias Schoenaerts. Depuis Brando, je n'avais plus vu cette bestialité matinée de fragilité aussi bien incarnée à l'écran.

 

Il est Ali ce personnage de rouille et d 'os, tour à tour videur, agent de sécurité, homme égoïste  et immature qui s'occupe très mal de son enfant, qui le laisse à sa soeur, qui communique mal, seulement avec ses poings lors de combats clandestins ou en s'emportant verbalement quand il se sent victime d'injustice, c'est-à-dire dès que quelqu'un s'oppose à lui. Pour lui, il n' y a pas la place à la discussion,  à l"engagement, il faut avancer sans se poser de questions. La seule personne avec qu'il fait montre d'attention tout en adoptant un langage cash qui cette fois est salutaire, c'est Stéphanie,  ancienne dresseuse d'orques, amputée de ses jambes. Voilà, nous allons suivre cette rencontre entre deux personnages perdus, sur fond de crise sociale pathétique, cette lente reconstruction sur tous les plans, cette acceptation de son corps, de ses sentiments. Ici, le handicap n'est pas caché, Audiard filme les corps, les coups, la violence physique, sociale, mais sans tomber dans le voyeurisme. Les deux héros vont devoir trouver en eux des ressources insoupçonnées, se libérer, allier force et vulnérabilité.

 

 

Ce qui fait la force du film, c'est que le metteur en scène a su concilier habilement et efficacement veine plus populaire et  vision d'auteur, magnifier un drame, une histoire d'amour, dépasser tous les clichés grâce à sa manière de suivre les parcours des personnages, à la qualité des dialogues, et à un grand sens de la dramaturgie (voir les dernières scènes du film). Du grand art pour un grand raconteur d'histoires qui, je l'espère, n'aura de cesse de m'étonner, de me surprendre.

 

 

Films préférés : 1- De rouille et d'os 2- Un prophète 3- De battre mon coeur s'est arrêté

 

Film décevant1- Sur mes lèvres

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